SNAAG ASSOCIATION LOI DU 1ER JUILLET 1901
Société Nationale des Anciens et des Amis de la Gendarmerie
LE GENERAL DE GENDARMERIE (2S) JEAN PIERRE BEDOU
PRESIDENT NATIONAL DE LA SNAAG
A
MESDAMES ET MESSIEURS LES PARLEMENTAIRES
Le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au Ministère de l'Intérieur, initié en 2002 par la loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure, confirmé par le décret de juillet 2007 et scellé lors du discours du Président de la République le 29 novembre 2007, fait l'objet d'un projet de loi « portant dispositions relatives à la gendarmerie ».
Celui ci, destiné à être inclus dans le code de la Défense, a été amendé et voté en première lecture par Mesdames et Messieurs les sénateurs le 29 octobre 2008; il vous sera soumis en deuxième lecture au mois d'avril de cette année.
Conscients de l'importance de cette loi et en dépit des garanties gouvernementales fournies quant à l'avenir de la gendarmerie, il nous paraît nécessaire de vous faire part d'un certain nombre de réflexions exprimées par beaucoup de retraités de l'Arme et d'amis de la gendarmerie, inhérentes à ce rattachement au Ministère de l'Intérieur:
Ainsi, sous couvert de rationalisation, nous estimons qu'il y a danger d'aller vers un trop grand rapprochement entre deux forces de sécurité, l'une à statut civil, l'autre à statut militaire. Ce rapprochement avait d'ailleurs été dénoncé par Mme ALLIOT MARIE, ministre de la Défense, le 21 juillet 2003, dans une lettre adressée au Ministre de l'Intérieur de l'époque, Mr SARKOZY, estimant ce rapprochement «dangereux, inopportun et injustifié», alors qu'actuellement il y aurait soi-disant «une garantie totale dans le projet de loi adopté par le sénat », la fusion des deux corps étant pure utopie.
A court terme cette fusion ne nous paraît effectivement pas d'actualité, pour le moyen terme nous avons malgré tout beaucoup d'interrogations dues, notamment, à la montée inéluctable de la mutualisation des moyens. Celle ci, en application de la RGPP, amènera une perte de spécificité et d'identité pour la gendarmerie, en gommant progressivement les différences existantes avec la police, alors qu'elles sont nécessaires.
La mutualisation, si elle doit être banalisée et accrue, conduira inéluctablement à un rapprochement fusionnel avec une déliquescence progressive du statut militaire. Elle nous paraît donc devoir être totalement encadrée dans ce projet de loi, car tout un chacun sait que seule la gendarmerie, de par sa militarité, peut garantir en situation de crise l'autorité du gouvernement et la défense des institutions et maîtriser des mouvements dont personne ne peut prévoir les développements et les débordements. L'histoire proche est là pour nous le rappeler !
L'article 2 du projet de loi prévoit la suppression des réquisitions au maintien de l'ordre. Si les quatre types de réquisitions actuels nous paraissent être effectivement d'un formalisme désuet et d'une certaine lourdeur administrative, il n'en demeure pas moins que cette suppression (même amendée par les sénateurs) est en opposition avec les principes républicains relatifs à l'emploi de la force publique et aux fondements du statut général des militaires.
Le fait de dire que le ministre de l'Intérieur n'a pas à requérir des forces placées sous son autorité ne nous paraît pas recevable, car l'emploi de la force publique au maintien de l'ordre relève du pouvoir exécutif et non de l'autorité hiérarchique d'un ministre. De plus cette suppression ne peut qu'atténuer la notion de «force armée», rappelée dans l'article 1 du projet de loi, seul élément sur lequel est fondée et garantie la militarité de la gendarmerie. Il est donc indispensable, pour nous, que cette suppression soit revue et discutée avant votre vote.
L'article 3 du projet de loi, prévoit le renforcement des pouvoirs des préfets. Cette soumission de l'action des gendarmes à leur autorité directe devra être revue et précisée sinon elle portera gravement atteinte au principe d'obéissance hiérarchique et au caractère militaire de la gendarmerie; Car dans celui ci le respect du statut militaire implique l'existence même d'une hiérarchie non partageable.
Le fait de donner aux préfets l'autorité sur les unités de gendarmerie, implique la rupture de la chaîne hiérarchique militaire et rend inopérants les droits et devoirs des supérieurs et des subordonnés. Cette rupture risque d'être encore aggravée avec la suppression, envisagée, de l'échelon des commandants de région de gendarmerie et l'instauration des préfets de zone comme ordonnateurs secondaires. Ainsi, à court terme la gendarmerie pourrait être totalement dans les mains des préfets et deviendrait alors un simple service déconcentré de l'État, d'où une incompatibilité (encore) avec la notion de force armée qui permet à la gendarmerie de ne pas être une administration civile. Cette exclusion visant d'ailleurs à préserver, en toute circonstance, son autonomie d'action et d'être «le dernier rempart de l'État».
Enfin, le système de représentation et de concertation au sein de la gendarmerie, même s'il est envisagé de le rénover et de l'améliorer, tout en excluant, à juste titre, la création de syndicats, risque d'être peu efficient au regard du poids du syndicalisme policier. Nous sommes dubitatifs face aux «discours récurrents» et vindicatifs des syndicats de police réclamant d'ores et déjà une stricte parité entre les deux corps et la fusion des institutions (cf. la lettre du secrétaire général du SNOP, à vous adressée). Même le syndicat des commissaires de police a écrit récemment : «Tout ce qui appartient à la police n'est pas négociable, mais on peut discuter de ce qui appartient à la gendarmerie et le supprimer si la police en est déjà dotée».
Certes les syndicats ne font pas «la loi», mais leur pression sur un gouvernement n'est pas absente de toute répercussion. Mme ALLIOT MARIE l'avait bien compris lorsqu'elle s'opposait au transfert de la gendarmerie vers le ministère de l'Intérieur et écrivait : «plus on rapproche la gendarmerie de la police, plus on encourage les surenchères entre les deux corps et les revendications catégorielles». Tout ceci nous laisse vraiment craindre, qu'à terme, on ne s'oriente vers un statut unique pour ces deux institutions chargées de la sécurité des français et ce ne sera certainement pas le statut militaire qui l'emportera !
Mesdames et Messieurs les parlementaires, dans quelque temps vous aurez à voter pour ou contre ce projet de loi, amendé ou non. Vous aurez une grande responsabilité sur la «pérennisation» ou non de la gendarmerie et sur le maintien ou non d'un «dualisme» de nos forces de sécurité! Il est pour nous, anciens et amis de la gendarmerie, important de vous faire part de nos interrogations sur ce projet de loi, sans pour autant le rejeter car il a des aspects positifs, tout en essayant de ne pas être pessimistes ni tournés vers le passé, mais simplement d'être réalistes sur ce modèle nécessaire du «pluralisme» policier français auquel nos compatriotes sont très attachés.
Merci de l'attention que vous porterez à la lecture de cette lettre.
Général (2s) Jean Pierre BEDOU
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