Pour désengorger les cellules des commissariats, la ministre de la Justice prévoit de n'y mettre que les interpellés mis en causes pour des délits et crimes passibles de prison. Pas sûr que ça suffise.
Plus personne ne l'ignore, il y a trop de gardes à vue en France. Avocats, magistrats, policiers, parlementaires, jusqu’au Premier ministre, tous en conviennent, y compris la garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie, qui l’a redit ce mardi au Sénat: «Il est évident que la garde à vue est devenue trop automatique dans notre pays. Il faut la recentrer sur ce qu’elle doit être: un instrument d’enquête.»
Pour revenir à cette fonction originelle, a-t-elle poursuivi, il faut limiter cet instrument «aux nécessités réelles». Autrement dit éviter de coller en cellule ceux qui n'ont rien à y faire. Comment? En réservant la garde à vue aux mis en cause pour «crimes et délits punis de peines d’emprisonnement».
Aujourd’hui, le placement en garde à vue n’est pas conditionné à la gravité du délit ou crime suspecté mais peut être décidé, selon le code de procédure pénale, «pour les nécessités de l'enquête», pour «toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction». Passible ou non d’une peine de prison.
Introduire une variable «peine de prison encourue» permettrait donc de désengorger la machine. En théorie. Car les délits sont presque toujours passibles de prison. Quant aux crimes, la question ne se pose même pas. «Un délit qui ne soit pas passible d’emprisonnement? Je ne vois pas, hormis peut-être certains délits routiers hors état de récidive», cherche Jean-Louis Borie, président du Syndicat des avocats de France. Et de rappeler que même si la peine est faible, elle peut vite s'alourdir par le jeu des circonstances aggravantes.
Distances de sécurité
Aussi Dominique Achispon, secrétaire général du premier syndicat des officiers de police, le Snop, se dit-il «très surpris» de la phrase de MAM. Bien placé pour savoir que le gros des gardés à vue se retrouvent au poste pour délits routiers - 200.000 chaque année, de l’aveu récent du ministère de l’Intérieur - pour détention de stupéfiants ou pour violences, il voit mal comment une telle mesure pourrait apporter de l'air. «Ne mettre en garde à vue que les gens suspectés de délits passibles de prison? Mais c’est exactement ce qu’il se passe à l’heure actuelle!»
Quelques exemples, sans faire l'inventaire du code pénal. Le vol simple? Passible de trois ans de prison. L’usage de stupéfiants d’un an de prison (c'est valable pour le cannabis comme pour l'héroïne), leur détention de dix ans. Le délit d'outrage sur dépositaire de l'autorité publique -très en vogue ces dernières années- de six mois, celui de «rébellion» d'un an. Quant aux chauffards – pas moins de 200.000 gardés à vue chaque année, de l’aveu récent du ministère de l’Intérieur– ils encourent aussi la prison: six mois pour un conducteur qui ne respecte pas la distance de sécurité dans un tunnel, deux ans pour l’utilisation d’un anti-radar, trois mois le grand excès de vitesse (plus de 50km/h) en état de récidive…
«Retenue judiciaire»
Pour les faits passibles de moins de cinq ans de prison, l'interpellé pourra «être entendu librement» et «restera quatre heures dans les locaux» de police ou de gendarmerie, a aussi annoncé la ministre. Rejoignant l'idée de «retenue judiciaire» du comité Léger, chargé de plancher sur la réforme de la procédure pénale prévue pour cet été, et qui proposait d'interdire le placement en garde à vue pour des faits passibles de moins d'un an d'emprisonnement.
Dans leur propre projet de réforme, les Verts et les socialistes suggèrent que la garde à vue ne soit autorisée que si l’infraction encourue est passible d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans.
L'hypothèse de cette audition «libre», sorte de garde à vue allégée, fait bondir les avocats: «Qu’on parle de retenue judiciaire ou de garde à vue, ça reste bien une privation de liberté, appelons un chat un chat», s’agace Jean-Louis Borie. Et à ce compte là, à l'en croire, mieux vaut encore la garde à vue, «qui au moins garantit un minimum de droits». Droit à garder le silence, à faire prévenir un proche, à voir un avocat, un médecin… La garde des Sceaux a d'ailleurs pris les devants, prenant soin d'ajouter que si la personne le «demande» elle pourra être entendue sous le régime de la garde à vue.
Plus personne ne l'ignore, il y a trop de gardes à vue en France. Avocats, magistrats, policiers, parlementaires, jusqu’au Premier ministre, tous en conviennent, y compris la garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie, qui l’a redit ce mardi au Sénat: «Il est évident que la garde à vue est devenue trop automatique dans notre pays. Il faut la recentrer sur ce qu’elle doit être: un instrument d’enquête.»
Pour revenir à cette fonction originelle, a-t-elle poursuivi, il faut limiter cet instrument «aux nécessités réelles». Autrement dit éviter de coller en cellule ceux qui n'ont rien à y faire. Comment? En réservant la garde à vue aux mis en cause pour «crimes et délits punis de peines d’emprisonnement».
Aujourd’hui, le placement en garde à vue n’est pas conditionné à la gravité du délit ou crime suspecté mais peut être décidé, selon le code de procédure pénale, «pour les nécessités de l'enquête», pour «toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction». Passible ou non d’une peine de prison.
Introduire une variable «peine de prison encourue» permettrait donc de désengorger la machine. En théorie. Car les délits sont presque toujours passibles de prison. Quant aux crimes, la question ne se pose même pas. «Un délit qui ne soit pas passible d’emprisonnement? Je ne vois pas, hormis peut-être certains délits routiers hors état de récidive», cherche Jean-Louis Borie, président du Syndicat des avocats de France. Et de rappeler que même si la peine est faible, elle peut vite s'alourdir par le jeu des circonstances aggravantes.
Distances de sécurité
Aussi Dominique Achispon, secrétaire général du premier syndicat des officiers de police, le Snop, se dit-il «très surpris» de la phrase de MAM. Bien placé pour savoir que le gros des gardés à vue se retrouvent au poste pour délits routiers - 200.000 chaque année, de l’aveu récent du ministère de l’Intérieur - pour détention de stupéfiants ou pour violences, il voit mal comment une telle mesure pourrait apporter de l'air. «Ne mettre en garde à vue que les gens suspectés de délits passibles de prison? Mais c’est exactement ce qu’il se passe à l’heure actuelle!»
Quelques exemples, sans faire l'inventaire du code pénal. Le vol simple? Passible de trois ans de prison. L’usage de stupéfiants d’un an de prison (c'est valable pour le cannabis comme pour l'héroïne), leur détention de dix ans. Le délit d'outrage sur dépositaire de l'autorité publique -très en vogue ces dernières années- de six mois, celui de «rébellion» d'un an. Quant aux chauffards – pas moins de 200.000 gardés à vue chaque année, de l’aveu récent du ministère de l’Intérieur– ils encourent aussi la prison: six mois pour un conducteur qui ne respecte pas la distance de sécurité dans un tunnel, deux ans pour l’utilisation d’un anti-radar, trois mois le grand excès de vitesse (plus de 50km/h) en état de récidive…
«Retenue judiciaire»
Pour les faits passibles de moins de cinq ans de prison, l'interpellé pourra «être entendu librement» et «restera quatre heures dans les locaux» de police ou de gendarmerie, a aussi annoncé la ministre. Rejoignant l'idée de «retenue judiciaire» du comité Léger, chargé de plancher sur la réforme de la procédure pénale prévue pour cet été, et qui proposait d'interdire le placement en garde à vue pour des faits passibles de moins d'un an d'emprisonnement.
Dans leur propre projet de réforme, les Verts et les socialistes suggèrent que la garde à vue ne soit autorisée que si l’infraction encourue est passible d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans.
L'hypothèse de cette audition «libre», sorte de garde à vue allégée, fait bondir les avocats: «Qu’on parle de retenue judiciaire ou de garde à vue, ça reste bien une privation de liberté, appelons un chat un chat», s’agace Jean-Louis Borie. Et à ce compte là, à l'en croire, mieux vaut encore la garde à vue, «qui au moins garantit un minimum de droits». Droit à garder le silence, à faire prévenir un proche, à voir un avocat, un médecin… La garde des Sceaux a d'ailleurs pris les devants, prenant soin d'ajouter que si la personne le «demande» elle pourra être entendue sous le régime de la garde à vue.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire