jeudi 11 février 2010


S'estimant victimes de «calomnies», ils répètent qu'ils ne font qu'appliquer les textes. Mais dénoncent aussi la «course aux chiffres» qui pousse à toujours plus de gardes à vue.

Furieux des «attaques» dont ils estiment être l'objet dans le débat sur la garde à vue, les syndicats de police refusent d'endosser la responsabilité de l'explosion du nombre de recours à cette procédure. Et envisagent un mouvement de fronde.

Le Syndicat national des officiers de police (Snop, majoritaire) annonce ne «pas exclure» un mot d’ordre, parmi les policiers, de demande de retrait de leur habilitation d’officiers de police judiciaire (OPJ) en réaction à la «campagne de désinformation et de calomnie» les visant. Campagne menée selon le syndicat par la «classe politique», «les avocats», qui militent pour obtenir davantage de droits pour la défense, sans oublier «les médias».

Sans habilitation OPJ (pouvoirs d’enquête, de garde à vue, etc…), les policiers ne pourraient quasiment plus se livrer à des actes judiciaires d’enquête. Ce qui conduirait à gripper la machine judiciaire.

La secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN, majoritaire), Sylvie Feucher, a déclaré à l’AFP qu’elle pourrait «s'associer» au mouvement, le jugeant «légitime».

«La faute aux textes»

Les syndicalistes assurent avoir des protestations de leur base, tout comme chez les gendarmes, lesquels n’ont pas le droit de se syndiquer et s’expriment sous le couvert de l’anonymat. Un haut responsable de la gendarmerie se dit ainsi «horrifié par la tournure des débats» et fustige «une véritable cabale qui nous rend suspects de tout».

Policiers et gendarmes rappellent qu'ils ne font qu'appliquer les textes, notamment depuis la loi Guigou sur la présomption d’innocence au début des années 2000.

«S’il y a explosion des GAV (800.000 en France en 2009), c’est la faute aux textes», juge donc Patrice Ribeiro, secrétaire général adjoint de Synergie (deuxième syndicat d’officiers). Car la garde à vue, encadrée, est paradoxalement «le seul espace de droit actuel». Ce qui explique qu'elle soit systématiquement utilisée aujourd'hui car elle protège aussi bien les gardés à vue que les officiers de police, explique Dominique Achispon, secrétaire général du Snop.

«Sacro-sainte culture du résultat»
Patrice Ribeiro avance aussi avec prudence un autre argument, repris par des responsables de gauche: la «course aux bons chiffres» sous la «pression de certains responsables (policiers)», puisque la GAV est souvent un indicateur mesurant l’activité des forces de l’ordre.

«On a privilégié le quantitatif au détriment du qualitatif, et au détriment aussi des victimes, abonde Dominique Achispon. Avant, disons jusqu'aux années 2000, quand on interpellait une jeune avec une barrette de shit, ça se terminait avec une main courante et, éventuellement, une convocation. Aujourd'hui, c'est garde à vue à tous les coups. Parce que le régime de la garde à vue est plus protecteur pour tout le monde, et parce que ça fait monter le taux d'élucidation.»

Et de rappeler que le syndicat avait transmis en 2007 à Michèle Alliot-Marie, alors Ministre de l'Intérieur, et au Garde des Sceaux Rachida Dati, un «rapport détaillé sur les causes réelles de l'augmentation continue des gardes à vue, les quelques dérives de la pratique et le détournement des objectifs de cette mesure privative de liberté». Un rapport «demeuré sans la moindre réponse alors qu'a contrario était maintenue et même renforcée la pression ministérielle visant à augmenter le nombre des mesures de garde à vue au nom de la sacro-sainte culture du résultat».

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